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Le Maroc a le théâtre « le plus grand d’Afrique », mais il est toujours fermé

C’est un bâtiment étonnant, dissonant, dont l’allure futuriste, figurée par son enveloppe blanche aux formes arrondies, ne laisse personne indifférent. Les touristes louent sa « structure impressionnante » de 25 000 mètres carrés, œuvre de Zaha Hadid, lauréate du prix Pritzker, le « Nobel » des architectes. Les habitants, eux, y voient un nouvel emblème de leur ville. La réponse, contemporaine, à un repère plus ancien, la tour Hassan, toute proche, vestige d’une mosquée, aujourd’hui disparue, construite il y a plus de 800 ans.
Depuis l’été, le Grand Théâtre de Rabat situé au bord du Bouregreg, le fleuve qui sépare la capitale du Maroc de la commune limitrophe de Salé, figure même sur un nouveau billet de 20 dirhams. Comme un symbole de « la richesse du développement socioculturel » du pays, selon la banque centrale du royaume. Sauf que ses travaux ont beau avoir été terminés en 2021, l’édifice reste portes closes. Aucun spectateur n’a encore franchi le seuil de son théâtre de 1 800 places assises, « le plus grand d’Afrique », ainsi que le qualifie la presse marocaine.
Une inauguration par le roi Mohammed VI, synonyme d’ouverture officielle, est sur toutes les lèvres, mais la venue du souverain tarde. Elle fait depuis plusieurs années l’objet de spéculations sans fin. « Fin 2021, après la pandémie de coronavirus », « Courant 2022 », « Au dernier trimestre 2023 »… A chaque fois, les prédictions des journaux sont tombées à l’eau.
L’année 2024 sera-t-elle la bonne ? « Personne ne le sait », souffle une source municipale, qui assure que les élus de la ville sont tenus à l’écart. Contactés, certains refusent de s’exprimer quand d’autres requièrent l’anonymat, signe du caractère « sensible » du dossier. Cette « initiative royale » serait, dit-on, supervisée depuis le palais, Mohammed VI ayant choisi personnellement le projet de Zaha Hadid, disparue en 2016. De fait, il s’agit du dernier ouvrage conçu par l’architecte anglo-irakienne avant sa mort, mais qui n’a pas encore ouvert.
Les retards et les dépassements accumulés dans tout autre projet, a fortiori s’il s’agit d’un équipement culturel, passeraient certainement inaperçus. Mais le Grand Théâtre de Rabat aurait dû accueillir ses premiers visiteurs en 2019 et il a coûté la bagatelle de 190 millions d’euros.
Son ouverture sans cesse repoussée interroge en coulisse, d’autant qu’un autre grand théâtre, à Casablanca, également signé d’un architecte de renom, le Français Christian de Portzamparc, a nécessité 130 millions d’euros et qu’il se trouve dans la même situation : terminé mais toujours fermé. Ensemble, ces édifices ont coûté trois fois le montant du budget alloué en 2024 au ministère de la culture.
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